Agriculture 296 suicides en deux ans
En 2010 et 2011, il y a eu 253 décès par suicide chez les hommes et 43 décès par suicide chez les femmes. Comparé au reste de la population française, cela dénote d’un excès de suicides chez les agriculteurs de 20 % en 2010.
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Santé publique France (ex-INVS) et la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) publient la seconde étude sur la mortalité par suicide des agriculteurs. La première sur les années 2007 à 2009 a été publiée en 2013. Celle publiée ce 5 octobre 2016 porte sur les années 2010 et 2011.
296 suicides en deux ans
Chez les hommes, 138 suicides ont été dénombrés en 2010 et 115 en 2011, soit 253 sur les deux années. Chez les femmes, 28 suicides ont été dénombrés en 2010 et 15 en 2011, soit 43 sur les deux années.
La pendaison est le mode de suicide majoritaire pour les homes et les femmes. Viennent ensuite les armes à feu chez les hommes, la noyade et l’intoxication médicamenteuse chez les femmes.
Y a-t-il sous-déclaration ?
Selon les auteurs de l’étude, la sous-déclaration en France du nombre de suicides est de 9 %. C’est pour l’essentiel lié à la difficulté pour le médecin de déterminer le caractère intentionnel ou accidentel d’un décès.
Qui est touché ?
Il y a un effet année : la présente étude montrait une surmortalité par suicide chez les hommes significative pour l’année 2010 (+20 %) mais pas en 2011. En revanche, cette surmortalité a été observée en 2008 (+28 %) et en 2009 (+22 %).
Les auteurs précisent : « Compte tenu du schéma d’étude retenu, il n’est pas possible de mettre en évidence des liens de causalité entre l’activité professionnelle et la mortalité par suicide. » Mais rajoutent aussi : « Néanmoins, l’excès de mortalité observé coïncide avec la temporalité des contraintes financières liées à la crise économique. Ces dernières sont subies par le monde agricole depuis 2007, notamment pour les secteurs d’élevage de bovins, particulièrement affectés. »
Le secteur laitier paie le plus lourd tribut en 2008, 2009 et 2010. L’étude précise : « Il est important de noter que le plus grand nombre de suicides dans le secteur de l’élevage de bovins lait en 2010 a été observé durant les mois où les prix du lait étaient les plus bas (plus de la moitié des cas sont survenus entre janvier et avril) ».
Le secteur des bovins à viande a été très frappé en 2008 et 2009.
L’âge a aussi un rôle marquant. Les hommes entre 45 et 54 ans puis entre 55 et 64 ans sont les plus à risque. Hypothèses avancées : des contraintes financières chroniques ; des conditions de travail difficiles subies sur le long terme « qui auraient érodé les mécanismes de défense d’un individu en favorisant l’apparition d’une dépression, elle-même facteur de risque du suicide ».
Les singularités du métier pourraient jouer aussi : fortes contraintes physiques, larges amplitudes horaires, pression économique importante, contraintes environnementales et climatiques, ainsi que des événements sanitaires. Facteurs aggravants qui pourraient s’y ajouter : l’isolement professionnel et social ; l’imbrication parfois importante entre vie familiale et vie professionnelle.
Les études, y compris sociologiques, se poursuivent pour approfondir ces pistes de recherche. Une étude de mortalité sur les salariés agricoles est également en cours. Résultats attendus en 2018.
Marie-Gabrielle Miossec
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